La Jument Rouge

Publié le par Christian Durand

La Jument Rouge
La Jument Rouge
La Jument Rouge
La Jument Rouge


LA JUMENT ROUGE
Fantaisie librement inspirée d’une légende irlandaise.
Par Christian Durand

Jimmy travaillait depuis quelques mois aux Ecuries Royales de Versailles sous la direction de Georges le palefrenier. Il avait été engagé pour nettoyer les stalles et le paddock. C’était un garçon robuste et timide, quoique plein d’ambition. Bientôt il sut panser les chevaux, surtout les juments, qui rentraient crottées des allées cavalières du Domaine. Le nez humide, la bave à la lèvre, l’encolure en sueur, la vaste croupe fumante de l’animal aux cuisses tremblantes, toute cette sauvagerie rustique lui procurait une émotion particulière.

Elle arrivait le samedi matin. Le chauffeur de la Bentley lui tenait la porte ouverte. Elle posait sa botte de cuir fauve sur le gravier. Moulée dans un pantalon de cuir noir qu’on eût cru cousu sur elle comme la petite robe bleue de Marylin, elle se dirigeait à grandes enjambées vers son cheval sellé que Georges maintenait par la bride. Elle laissait dans son sillage un parfum capiteux qui troublait Jimmy.

Elle grimpait d’un bond souple sur la selle viennoise. Le cheval cravaché sur les reins prenait le galop sur le bon pied en faisant gicler le gravier du paddock. Caillassé à la volée, Jimmy la regardait disparaitre dans l’allée, la gorge serrée. Elle ne l’avait même pas regardé Il n’aurait jamais osé lui adresser la parole. Elle rentrait les cheveux au vent sur la bête fumante et bavante qu’elle guidait par une simple pression des genoux et quelques petits coups de rein. Ses seins légers dansaient l’amble. Elle sautait souplement au sol et jetait les rênes vers Jimmy, sans même lui jeter un coup d’œil.

Sa gorge se serra. Il nota que son pantalon était déchiré à l’entrefesson et qu’elle n’avait pas de sous-vêtements. La porte se referma dans un murmure sensuel. La puissante voiture fit crisser les graviers. Si seulement elle lui posait la moindre question, il lui répondrait sans rougir ni bafouiller. Elle verrait qu’il avait une bonne diction et parlait sans ce détestable accent parisien. Il oserait lui demander le nom de son cheval. Et lui proposerait de s’en occuper désormais. Je m’appelle Jimmy, pour vous servir. Il se sentit rougir et sut qu’il bafouillerait. Il fallait qu’elle lui pose une question simple. Il décida de peindre en rouge les sabots de la jument.

Elle demandera Mais qui a peint les sabots de mon cheval en rouge ? L’air sévère, Il accuserait Georges et proposerait de les nettoyer immédiatement avec de l’essence de térébenthine. Emue par tant d’ingéniosité, elle acceptera de boire un verre – non, a nice cup of tea - avec lui à l’Auberge du Cheval Blanc à la sortie du village. Elle se présente, Vanessa, oh quel joli prénom, elle est la fille d’un diplomate anglais, étudiante en Histoire de l’Art. Il décide d’apprendre l’anglais et de l’inviter à visiter le Louvre. Ce qu’elle accepta bien volontiers. Devant la Joconde, il lui prit le bras et la sentit frémir. Son parfum lui procura une émotion intense. 

Le samedi suivant, la Bentley dérapa légèrement  devant le Club House. Elle descendit toute en bottines et fourrures. Il chercha son regard. Peine perdue. Elle s’approcha du cheval qu’elle enfourchât sans ménagement. En partant, elle laissa trainer sa badine sur l’épaule de Jimmy qui crut défaillir. Il remarqua que le poids de ses seins lourds tendait le cuir de son blouson. Ses cuisses et ses reins épousaient parfaitement la forme de la selle qui elle-même épousait la forme de la croupe lascive de la jument. IL soupçonna que la selle avait été faite sur mesure. Ce constat lui procura une émotion nouvelle.

Au retour, sans un mot, sans un regard, elle balança les rênes sur Jimmy hébété. Il faillit lui demander si elle voulait bien visiter le Louvre et aller à l’hôtel avec lui. Mais sa voix s’étrangla. Il considéra le cheval dont les sabots luisaient faiblement dans la pénombre. Bien sûr, elle ne pouvait pas voir les sabots tant qu’elle chevauchait. Il rentra Pégase dans son box. Il repeint les sabots et couvrit les jambes de l’animal d’un vermillon que n’auraient renié ni Braque ni les Fauves.

Mais quel est l’aimable plaisantin qui a peint les jambes de Pégase en rouge ? Il se précipita et sans rougir ni bafouiller lui déclara dans un anglais parfait que c’était Georges, le groom, jaloux de leur amitié naissante. Il nettoya soigneusement les dégâts et elle l’invita à venir dîner chez elle le soir même. Elle ajouta A la bonne franquette avec cet accent so british qui faisait son charme. Dans l’escalier elle passa devant lui en pastichant Jane Birkin. Et ne relookez pas mon fesse, pétite chenapan. Il pensa que le meilleur dans l’amour c’était quand on monte l’escalier. Il en éprouvait une émotion croissante.

Il sortit de sa torpeur quand la Bentley lui frôla les pieds. Il tomba en arrière. Elle se mit en selle et, piqua des deux le flanc du  cheval qui sauta par-dessus le corps étendu. Il ne lui restait plus que son parfum à la fragrance troublante qui mêlait toutes les saveurs de l’Arabie à celle des esclaves nus qui lui rafraichissaient le front avec des palmes. Des meubles luisants polis par les ans décoraient sa chambre, les plus rares fleurs mêlaient leurs odeurs aux vagues senteurs de l'ambre, les riches plafonds, les miroirs profonds, tout y parlait à l'âme en secret sa douce langue natale. Elle le félicita pour ses talents de poète.

Ils visitèrent Le Louvre. Quand il lui révéla que Mona Lisa était en réalité un travelo et vraisemblablement l’amant de Michel-Ange, elle se mordit les lèvres et il dut la prendre dans ses bras pour l’empêcher de défaillir. Il la déposa sur une banquette propice et dégrafa son corsage pour qu’elle reprenne sa respiration. Il ne put s’empêcher de lorgner la naissance de ses seins d’albâtre. Il lui pratiqua un léger massage cardiaque qu’il combina avec un bouche-à-bouche torride. Margot reprit enfin connaissance et lui annonça qu’elle allait le présenter à ses parents qui lui interdisaient de faire l’amour avant le mariage. Il décida de leur demander immédiatement sa main. Et tout le reste. Il la porterait dans la chambre nuptiale, pantelante, lascive. Il lui servirait une coupe de champagne rosé et lui réciterait un poème coquin. Il lui ferait écouter Only You et lui proposerait de faire l’amour comme des bêtes.

La Bentley s’arrêta dans un chuintement sensuel. Elle jaillit en santiags, jean délavé et lacéré, bandana rouge. Elle examina le cheval. Jimmy se figea et son cœur se mit à battre la chamade. Il s’apprêtait à dénoncer Georges quand elle sauta en selle et piqua des deux vers les bois. Au passage elle cravacha les fesses de Jimmy qui crut défaillir de bonheur. Oh oui il accepterait les menottes, la cravache et le latex.

Il lui proposa d’aller au cinéma. Samantha le retint par la ceinture à la hauteur du dernier rang. Elle retira prestement son manteau, son pantalon, son porte-jarretelles, ses collants, son slip et son string qu’elle disposa soigneusement sur la rangée suivante. Elle lui expliqua qu’elle avait beaucoup sué pendant la randonnée et qu’elle faisait sécher ses sous-vêtements pour que personne n’aille s’imaginer qu’elle était une allumeuse. Jimmy laissa trainer sa main parmi la soie rose et les dentelles noires. Son émotion s’accrut considérablement. Elle s’en aperçu et soupira avec indulgence.

A la sortie du cinéma, elle lui susurra Chez toi ou chez moi ? Il se souvint à temps qu’il n’avait pas fait le ménage depuis le début de l’aventure. Chez elle, il se jeta à ses pieds, la demanda en mariage et commença à faire sauter les boutons de son manteau en peau de zébu. Elle gémit, se contorsionna, implora, il fut inflexible, la souleva et la jeta sur le lit où elle s’immobilisa, vaincue, lascive, offerte. Il se dressa comme un centaure et hurla Je vais te faire l’amour comme les chiens. Barbara devint pensive et lui proposa d’aller dans un quartier où elle n’était pas connue.

Mais le samedi suivant, Jimmy attendit en vain la Bentley toute la matinée. Il imagina le pire. Elle avait dû se faire violer à la sortie du cinéma. Les voyous avaient dû lui arracher sa petite culotte en dentelle noire. Maintenant elle gisait pantelante à moitié nue sur le macadam. Déjà le chef de bande défaisait sa ceinture. Jimmy lui posa la main sur l’épaule et le voyou détala sans demander son reste. Mélissa entièrement nue tendit ses bras au médecin du SAMU qui l’enveloppa dans une couverture de survie qui moulait indécemment ses formes juvéniles.

Désespéré, Jimmy décida de peindre le cheval entièrement en rouge. Sauf les oreilles. La Bentley glissa sans bruit jusqu’à l’entrée de la piscine. Elle descendit visiblement courbatue par l’agression dont elle avait été victime. Il crut défaillir. Il s’approcha pour l’aider à se mettre en selle. Il en profiterait pour lui caresser les fesses et lui proposer une sieste réparatrice dans une des chambres de la Pool-House dont il avait dérobé la clé. Elle fit signe à Georges qui lui fit la courte échelle en jetant un clin d’œil salace à Jimmy.

Camilla rentra du Manège les joues rouges, l’haleine embrumée, les yeux brillants. La sueur tachait ses aisselles et le bas de sa chemise. Tout son corps fumait comme un champ après l’orage. Ses cuisses tremblaient, ses reins tressautaient convulsivement, ses mains s’ouvraient et se fermaient sur les rênes en cuir. Elle poussa un grand cri et perdit connaissance pour tomber dans les bras de Georges. Jimmy rentra le cheval dont il peignit incontinent les oreilles en vernis trois couches. Maintenant la jument était toute rouge de pied en cap.

Le samedi suivant, Mélinda descendit de la Bentley, s’approcha méfiante de l’écurie, jeta un coup d’œil craintif dans la stalle de Pégase et se figea comme dans un cauchemar. Elle se retourna verte de rage et hurla, avec un fort accent de Pigalle :
- Quel est l’enfoiré de fils de pute qui a peint mon cheval en rouge ?
Jimmy s’approcha nonchalamment le cœur battant, la bouche sèche et bredouilla :
- C’est moi… on baise ?

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