Coup de gueule péri-gourdin spécial copinage

Publié le par Le Père Peinard

Tout travail mérite salaire, sauf le mien (artiste peintre)

 

ndlr : un peu longuet mais se lit comme un polar...

 

 

Ariane Ben Lumen

par Ariane Lumen

 

Vers 19 heures, ce dimanche 25 juin le téléphone sonne, et un monsieur au demeurant très aimable se présente comme président d'une association du Lot, Quercy Beaucoup.  Après les formules de politesse ce monsieur m'explique que son association organise chaque mercredi à  partir de 15 heures un marché d'artisanat, enfin de l'art, suivi d'un diner « de plein aire », autrement dit « des bouquets de saveurs à savourer sur place autour de grandes tables et avec des amis ». Des amis ? A ma connaissance je ne connais personne du côté de Gourdon, et encore moins dans l'admirable village de Payrac. « Ambiance Musicale », ajoute le président.

 

fukushima-ariane-lumen.jpgJe ne sais pas comment ce Monsieur le Président m'a trouvé, moi Ariane Lumen, petite artiste peintre de la Dordogne où je suis mondialement connue, au moins 7 km à la ronde.  Après avoir transporté mes tableaux au fin fond du monde, Corée du Sud, Ile de la Réunion, préparant des choses pour Amsterdam en 2013, j'ai une chance unique, le mot est faible, de montrer ce que je sais faire dans le Lot, à Payrac. A Payrac où pour la première fois on organise ce type de manifestation  et « où l'on attend la foule «  ! D'après le président j'aurais ainsi une occasion unique de me faire connaître !  Mes oreilles se dressent devant autant de perspectives glorieuses et je le laisse parler.

 

L'Art !Il m'explique avoir pensé à moi, Ariane Lumen, car il aime bien ce que je fais. « Vous faîtes aussi un peu de photos, je crois » souffle-t-il, « vous ne faîtes pas de copies » et ajoute qu'il ne souhaiterait pas que je vendrais des choses « Made in Taiwan » . D'ailleurs, il le précise les revendeurs sont exclus dans sa manifestation .  De plus à part exposer, je ne dois rien faire d'autre et surtout pas vendre : la vente à emporter est interdite, c'est prévu au règlement.

 

Lumen 14On arrive à la douloureuse. En me demandant où j'habite on se rend compte que Payrac est à l'autre bout du monde,  à savoir à 90 km à peu près, mais après l'ile de la Réunion je ne suis pas à cela près, n'est-ce pas ! « Mais, vous allez voir : cela en vaut largement le coup ». Pour participer il faut envoyer la somme de 15 €. Si je participe à toutes les manifestations, il faut envoyer 100 €, mais, comble du bonheur : je serai la seule et unique artiste peintre. Super super ! Moi Ariane Lumen l' orgueilleuse , le tout Payrac à moi toute seule. J'en avais rêvé !

 

Lumen-15.JPG« Par contre », enchaîne-t-il, » aucune indemnisation n'est prévue, c'est à vos frais, sur place vous aurez de quoi vous restaurer et bien plus encore « .  L'offre jusqu'à là bien présentée prend alors une autre dimension. « Votre compagnon fait de la musique, il joue d'un instrument ? Alors vous pourriez lui en parler, car ce n'est pas plus mal qu'il animerait, bien sûr contre ( une petite ) rémunération, les soirées « . Là je tombe presque de ma chaise, comment sait-il, ce vénérable Monsieur le Président que mon compagnon est un pro de la musique , retiré, certes. Même contre paiement il n'a plus envie de se produire et encore moins dans ce genre de manifestation, bien plus adapté à Yvette Horner, qu'au pauvre pianiste qu'il est !

 

« Celui – là, je suis d'accord pour l'indemniser « , dit-il, « CAR TOUT TRAVAIL MERITE SALAIRE.........je paye bien mon plombier, mon électricien, bref ceux qui travaillent « 

Monsieur Guy-Antoine VEILLET-LAVALLEE, honorable président de l'association Quercy Beaucoup, vient de me faire l'offre que je ne saurais refuser.

 

fukushima-ariane-lumen-copie-1.jpgEn fait il est en train de m'expliquer que les artistes peintres  et les plasticiens ne travaillent pas, qu'ils devraient être contents de pouvoir exposer devant des assistances aux profils douteux, et que l' effort financier n'est qu'une goutte d'eau dans les torrents de billets qui vont couler pour moi, tellement que mon talent est immense, mais que j'avais du talent, cela je le savais déjà, moi Ariane Lumen la prétentieuse !

Bon, mes enfants sont à ce moment – là toujours dans le bain. Le président toujours aussi aimable me promet d'envoyer les documents nécessaires à mon indispensable participation, et moi je lui promets de lui répondre.

 

Les Documents

 

L-Art---copie-2.JPGLes documents de participation arrivent par email. Une petite affiche indiquant les dates, que cela se tient dans le parc des Cèdres. Un règlement digne d'un centre d'éducation pour délinquants. Mais moi, j'essaye de vivre de mon art, et croyez – moi tout professionnelle que je suis je puis vous assurer qu'en période de crise vendre un tableau tient de l'exploit au même titre que l'équipe de France dans un match de football, quand elle gagne par hasard. Les footballeurs se font payer, même quand ils perdent. Je l'ai lu dans un journal. En fait on organise à Payrac un marché gourmand qui ne dit pas son nom. La vente à emporter est interdite selon le vénérable règlement, mais vous pouvez consommer sur place. Consommer des tableaux, surtout les miens à l'acrylique, c'est carrément indigeste. Une Fille de Bacchus n° 9 dans son assiette est vachement raide à digérer, ainsi qu'un Masburel's Children, en honneur de l'excellent Château Masburel (Haut Montravel – Bergerac) du vin que je ne peux conseiller que dans un verre !

 

L'Art !Les marchands, vendent, règlent leur droit de place, les consommateurs consomment, le musicien joue de la musique. Le pauvre peintre regarde tout cela, pense à ses pauvres enfants qui, comble de bonheur, vivent dans un environnement baigné de culture ! Rien qu'à l'idée je commence à avoir faim.  Je pense à mon fabuleux contrat coréen, où tout est prévu, l'hôtel, la bouffe, l'expo, même la télévision y est prévue pour moi la toujours pauvre petite artiste peintre périgourdine.  Les coréens paient même le billet d'avion, alors que pour aller à Payrac je n'ai même pas de quoi mettre de l'essence dans ma Clio rouge, qui elle n'en peut plus aussi !

 

Cela remonte à peu........

 

Lumen 14que j'avais décidé de ne plus me produire dans les kermesses locales, les salles de fêtes et autres paroissiales, même plus pour faire plaisir (quel plaisir). Je laisse la place à mes collègues rarement copines déjà à la retraite qui d'après une carte postale reproduisent  à l'huile ou aquarelle des bouquets de fleurs, le Château de Monbazillac (un must), les bords de la Dordogne et de paysages avec des vignobles. Je laisse la place aux copistes de dimanche, leurs pâles prestations avec leur chat préféré, que ces mêmes artistes arrivent à vendre pour 80 €, après une heure de bla bla digne d'un comptoir de bistrot .en attendant que leur souvent généreuse retraite tombe chaque 10 du mois.

 

Lumen 15Je ne me ferai pas que des ami(es) avec mes propos, mais que l'on sache tous quelque chose de moi : je n'en ai rien à faire que l'on m'aime ou pas ! J'aime être bien comprise, dont acte.  Celui qui veut un de mes tableaux : qu'il vienne me voir, où qu'il visite mes lieux d'exposition : actuellement le Château de Masburel, le Bistrot d'Urval, au mois d'août à Monpazier.

 

Mon activité est déclarée, je paye un peu de cotisations sociales, j'ai un mal fou de vivre de mon travail – c'est la crise, n'est – ce pas . Bon nombre de ses retraités bouffent le travail des artistes déclarés, prennent leur place. Les organisateurs nous prennent pour des moins que rien, car moi, je ne fait pas un travail.

 

Je fait ici un appel aux artistes professionnels, nous devons absolument nous fédérer et lutter contrer ces pratiques abusives et des organisateurs qui se fichent du monde. Signaler les abus, dénoncer ces pratiques abusives. Aussi je vous conseille un lien internet www.droitdexposition.blogspot.fr  et j'attends vos commentaires. Je suis sûre que mon histoire arrive à d'autres.

Ariane Ben Lumen

 

Ariane Lumen

 

http://ariane.lumen.over-blog.com/

Illustrations copyright ariane lumen

Les Années Lumen, par Christian Durand

Publié dans Salon de lecture

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